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Rugby Adapté  : Toulouse Montaudran Rugby, à jamais les pionniers

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Rugby Adapté  : Toulouse Montaudran Rugby, à jamais les pionniers

Les non-voyants, déficients visuels et voyants ont aussi leur section rugby adapté au Toulouse Montaudran Rugby. Lancée en 2022, cette pratique a vu le club haut-garonnais proposer la toute première entité en son sein. En espérant faire des émules. 

Quoi de mieux que la France et l’une de ses places fortes du rugby pour être pionnières d’une nouvelle façon de pratiquer son sport préféré  ? Imaginé dès 2019, le céci-rugby a pris son envol la saison dernière au Toulouse Montaudran Rugby (TMR), si proche géographiquement et philosophiquement des pionniers de l’aviation et de l’aéropostale.

Avec le soutien de la FFR, de la Ligue Occitanie, du Comité départemental 31, du Conseil départemental de Haute-Garonne ou l’Institut des Jeunes Aveugles de Toulouse, le céci-rugby y est devenu première mondiale avec une vraie pratique, une vraie section et dans un club reconnu. S’il existe une forme de rugby adapté à des anciens joueurs ayant perdu la vue outre-Manche et guidés par une tierce personne, cette nouvelle pratique s’adresse aussi bien aux déficients visuels qu’aux voyants qui peuvent jouer seuls et en équipe, sans ou avec un bandeau sur les yeux.

Peaufiner les règles avant de le présenter officiellement

Jusqu’en 2022, les acteurs de ce céci-rugby ont travaillé et peaufiné les règles et la pratique avant de le présenter officiellement et de lancer les premiers entraînements au premier semestre 2023 avec cette première section céci-rugby du TMR avec entraînements hebdomadaires. Joueurs, joueuses non voyants et voyants se mêlent avec des règles adaptées où le jeu debout et le raffut sont érigés en postures de base quand le toucher est préféré au plaquage, même si des phases de combat existent comme lors de charges, de mauls ou d’arrachages.

Locomotive de ce projet, Olivier Chabot est devenu référent céci-rugby du TMR. « Ce qui est magique, lance l’historique bénévole du club toulousain, c’est que vu la jeunesse de cette pratique, tout y est encore à développer  ! Les structures évidemment mais au niveau du jeu, les joueurs ne cessent d’inventer des gestes ou d’apporter des solutions à ce rugby. Notre projet vise à créer un nouveau sport, décliné du rugby, qui soit accessible à tous avec ou sans bandeau. Comme pour le rugby-fauteuil, on propose une pratique pour tous où les joueurs sont autonomes et à égalité. On fait appel aux 10 % d’appréhension non visuelle de notre sport, c’est-à-dire l’audition, la parole et le toucher. Beaucoup de non-voyants sont passionnés de rugby. »

Une dizaine de garçons et filles composent cette section, souvent renforcée de voyants masqués. Rendez-vous tous les jeudis soir de 18 à 20 heures. Réunion préparatoire, échauffements, ateliers de course, d’esquive, de maul ou de défense puis un petit match sont au programme. Luca Moura est joueur au TMR et malvoyant. Un jour, il a décidé de venir essayer cette pratique. Bingo  ! « J’appréciais déjà le rugby mais le pratiquer a tout décuplé. J’aime le contact, la vitesse ou la protection de balle alors que le céci-foot est trop dans l’évitement. Et puis la notion de collectif n’est pas un vain mot dans cette pratique. Comme le rugby pour valides, ce sport évolue avec un affinage des règles. »

C’est à l’institut des jeunes aveugles de Toulouse que Steven Pineau a, lui, découvert la pratique. Le club du TMR y avait fait une journée portes ouvertes. Lui qui est déficient visuel (DV) ayant eu une perte de vision progressive n’avait auparavant que pratiqué le foot comme sport collectif. Il a été séduit. « Je ne connaissais pas grand-chose au rugby et, depuis, je suis devenu rugbyman et j’ai hâte de jouer chaque semaine. C’est une fierté d’être les premiers à initier cette pratique et de participer à son développement. Et puis l’accueil au club ou les troisièmes mi-temps ont été ou sont très chaleureux. C’est l’esprit rugby. Je suis vacciné. »

Sur les installations du TMR, au stade Struxiano, entre rocade et canal du Midi, les entraînements sont devenus incontournables. On s’y sert de maillots dotés de mini-picots, sortes de grips pour mieux savoir quelle partie du maillot la main touche. Et puis, il y a ces fameux masques qui obturent totalement la vision et ne sont pas sans rappeler un certain Batman. Les rencontres prévoient deux fois quinze minutes sur un quart de terrain, à cinq contre cinq avec trois remplaçants par équipe.

Au moment du contact, la conservation et l’arrachage du ballon sont essentiels sachant qu’il n’y a pas de tenus/touchers comme dans d’autres variations. Si la balle est indisponible ou tombée, elle est rendue à l’adversaire. Les jeux au sol et au pied sont pour le moment proscrits, même si on réfléchit à les incorporer avec parcimonie, notamment lors des transformations. Cela pourrait plaire à Arnaud, joueur chevronné venu du céci-foot et qui avait passé une pénalité des 22 mètres dès sa première tentative. « Les néophytes commencent tous en marchant, sans trop savoir gérer la distance entre attaque et défense,sourit Luca Moura. Au bout de quelques minutes, tout le monde commence à prendre de la vitesse, à essayer d’esquiver, à proposer quelques contacts tout en demandant le soutien des coéquipiers qui se proposent aussi. »

Il faut savoir écouter ses camarades et ses adversaires afin d’agir et réagir en fonction. « J’adore particulièrement l’appréhension de l’impact, relance Steven Pineau. Ne voyant pas, le cerveau ne s’y prépare pas. C’est la première notion à assimiler au début mais l’audition compense et les règles sont très vite apprises. Ce qui est très intéressant, c’est que la partie combat n’ait pas été édulcorée  ! Mauls, défense, arrachages, il y a du contact, ce qui est passionnant. »

Les profils et physiques des joueurs sont utilisés différemment

Dans ce rugby, la voix aussi compte énormément. « Voy» se dit en mode répétitif quand on est défenseur ou « Balle » quand on est porteur. Cela rappelle les échanges lors des placements défensifs autour des rucks pour le rugby des valides. Les néo-pratiquants dont on a eu le bonheur de faire partie redécouvrent littéralement leur sport, un sourire aux lèvres, tant l’expérience est, de prime abord, déroutante. Mais le ludique prend très rapidement le dessus. Grâce à cette expérience, le rugbyman non DV s’aperçoit combien la communication n’est souvent pas assez usitée avec pertinence dans le rugby des voyants. L’attitude des corps, des membres, voire certaines gestuelles replongent dans les premiers enseignements parfois un peu oubliés.

Les profils et physiques des joueurs sont aussi différemment utilisés, selon les moments du jeu. Les solides aux premiers contacts quand les plus véloces sont davantage au soutien. « Jouer avec des voyants qui vont donc porter le masque dédié est génial, assure Steven Pineau, qui a posé sa canne juste avant l’échauffement. Tout est mis à plat. Ce sont même les non-voyants qui vont guider les voyants, leur apprendre. Quel partage. D’ailleurs, c’est top que le rugby cherche à créer ou développer d’autres pratiques de son sport. Je suis certain qu’il y a plein de DV partout en France et dans le monde qui kiffent le rugby et qui vont enfin pouvoir y jouer. À nous de faire connaître et développer ce céci-rugby. Et pourquoi pas, un jour, devenir sport paralympique et soulever la flamme nous aussi, comme d’autres athlètes ont pu le faire lors de ces JO Paris 2024. »

Malvoyant, Julien Reiser faisait du rugby étant jeune avant qu’une maladie dégénérative ne lui fasse perdre la vue et arrêter tout sport. « J’ai retrouvé le rugby que j’aimais tant grâce à la création de cette section car il n’y avait pas grand-chose de proposé pour les “mal- ou non-voyants”. Que ce soit ceux qui ont pratiqué avant cette section ou les néo-pratiquants, on attend tous que cette pratique prenne ailleurs afin d’organiser des matches, des tournois ou des compétitions ! On a envie de s’étalonner avec d’autres joueurs qu’on connaît moins. »

Deux frères, qui n’avaient jamais pu pratiquer de sport ensemble

Les belles histoires ou anecdotes, il y en a d’autres, comme avec ces deux frères, Théo et Valentin, qui n’avaient jamais pu pratiquer de sport ensemble, du fait de la déficience visuelle de l’un d’eux. Cette section leur a permis de jouer ensemble pour la première fois, sur un pied d’égalité et avec pas mal d’engagement et d’émotion. Les membres de cette section ont évidemment reçu leur licence FFR alors que, jusqu’à présent, les médecins ne les autorisaient pas, mais le club les a également fait faire en braille pour une autre première  : une licence pour déficient visuel en mode Rugby Loisir avec plaquage adapté.

L’avenir de cette façon de jouer avec une balle ovale s’écrit déjà sur les bords de Garonne et bientôt à une échelle que ces premiers acteurs espèrent la plus large possible. En effet, pour les DV, la pratique sportive est souvent synonyme de binôme avec un valide. Hormis le céci-foot et le torball, les sports collectifs sont rares. C’est donc peut-être une révolution qui est en marche. Acquisition d’équipements, de matériel, quête de sponsors, création d’une mallette pédagogique à destination des clubs ou développement d’autres clubs en France et à l’étranger sont au programme.

Mais la tâche ne rebute pas Olivier Chabot. « Je pense notamment aux jeunes déficients visuels (DV) qui vont pouvoir s’amuser et apprendre beaucoup de choses sur le terrain et avec le rugby. L’envie de donner le meilleur, la solidarité, la confiance en soi et le fait qu’il y ait une place pour tout le monde sont des valeurs fortes de ce projet. Voyant ou non, cela apprend beaucoup dans la relation à l’autre, dont la désinhibition dans la relation sociale. “Rugby, école de la vie” prend tout son sens. » Attirer des voyants comme peut le faire le rugby-fauteuil ou le rugby adapté est évidemment l’un des challenges.

Les visions changent et le rugby avec. Certains joueurs de l’équipe de France ou de clubs de Top 14 s’entraînent parfois avec un bandeau leur cachant en partie la vue afin de développer leurs autres sens ou une meilleure communication avec leurs partenaires. Les exemples de joueurs évoluant à différents niveaux avec des lunettes autorisées par World Rugby depuis 2019 sont d’autres exemples de ce sport ovale qui se sert un peu plus d’autre chose que de la vue. S’agissant du céci-rugby, le Toulouse Montaudran peut incontestablement se targuer, comme d’autres en football, d’être « à jamais les premiers ». Mais les prochains chapitres sont tout aussi passionnants.

AUDIODESCRIPTION OU TABLETTES AU STADE
En marge de cette pratique sur le pré, le rugby d’élite national ou des clubs propose des solutions d’audiodescription pour les déficients visuels pour suivre certaines rencontres dans les stades. De même, des tablettes adaptées (comme touch2see) offrent une réponse en relief pour faire vivre les matches et le déplacement du ballon et de l’action en direct.

TOULOUSE MONTAUDRAN RUGBY

Stade Struxiano, 113 av. de Lespinet, 31400 Toulouse
Présidente  : Céline Lorin Chollet
Nombre de licenciés  : XXX
Contact céci-rugby  : Olivier Chabot
Mail  : contact@montaudran-rugby.fr

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